Chaque jour, le roi Shahryar épouse une nouvelle femme. Chaque soir, il s'endort dans ses bras. Chaque matin, il l'exécute.
À l'aube, ce sera le tour de Shéhérazade. Pour survivre, elle n'a qu'une arme : ses talents de conteuse. Nuit après nuit, Shéhérazade enchante le roi, tissant ses histoires qui en cachent mille et une autres... |
Qui n’a jamais entendu parler des contes persans, ceux qui bercent une partie de notre enfance comme Ali Baba et les quarante voleurs ? Et surtout, qui ne connaît pas l’histoire de la belle Shéhérazade, qui utilise le pouvoir des mots pour rester en vie ? Lorsque j’étais enfant, j’ai découvert ces fables de manière éparse, et c’était la première fois que je plongeais tout à fait dans le conte en lui-même. Résultat, ma lecture a été dévorée en l’espace d’une journée, seulement !
Shahryar est roi. Le jour où il découvre que sa femme attend qu’il ait le dos tourné pour le tromper, il entre dans une rage noire. Comme si cela ne suffisait pas de la punir elle, ainsi que ses amants, il décide de prendre une nouvelle femme tous les jours, de la faire sienne la nuit et d’exiger son exécution le lendemain. Le schéma se répète, l’effroi et la peur se répandent parmi tous ses sujets, et le roi savoure sa vengeance contre la gent féminine avec délectation. Mais un jour, il tombe sur un os, car il épouse Shéhérazade. Cultivée et pleine de ressources, la jeune fille décide de captiver son époux au moyen de contes qu’elle narre comme personne. Shahryar se laisse prendre au jeu et à chaque fois que le soleil se lève, il est trop pris dans les histoires de sa jeune épouse pour penser à la faire tuer. Ainsi, Shéhérazade reste en vie. Mais pour combien de temps, encore ?
Étant petite, j’adorais me plonger dans les contes qui se trouvaient à ma portée. Je me perdais alors chez les Frères Grimm ou dans des livres de contes maliens. Ce que j’aimais tout particulièrement, c’était leur format court qui mettait souvent en place une situation un peu complexe et déstabilisante, mais qui finissait chaque fois par se délier pour laisser place à une morale. En lisant Les contes des mille et une nuits, j’ai retrouvé ce même plaisir et j’ai savouré chaque page de chaque histoire.
Jacques Cassabois nous raconte à sa manière des histoires simples aux premiers abords, mais qui finissent par gagner en relief à mesure que l’on avance. J’ai beaucoup apprécié les mises en abime (une histoire était racontée dans une autre histoire, elle-même racontée dans une autre histoire), qui donnaient l’impression d’être dans des poupées russes et de remonter chaque fois à la surface pour retrouver Shéhérazade et Shahryar.
Il est vrai que le duo ne fait son apparition qu’occasionnellement. Mais le fait est que la belle Shéhérazade choisit ses histoires à dessein. Elle a senti la peine qui rongeait son roi, et elle est persuadée de pouvoir l’en guérir en semant la graine de l’acceptation et de la compréhension. Même si Jacques Cassabois ne revient pas souvent sur elle, on la sent très charismatique et particulière.
La plume est très belle et Jacques Cassabois semble avoir hérité du don de Shéhérazade pour raconter les histoires. Des histoires vraiment intéressantes, parfois piquantes, troublantes, qui nous poussent à nous poser des questions. L’intérêt du format court de ces fables, c’est que l’on obtient des réponses assez rapidement, et qu’elles sont toujours à la hauteur. Et pour ne rien gâcher, on baigne dans une culture persane fascinante, et on n’est jamais au bout de nos surprises.
En résumé, un conte merveilleux, savant mélange de suspens et de magie, qui nous transporte au cœur de la culture persane et nous en met plein les yeux. Je me suis laissée submergée sans mal par l’histoire de Shéhérazade, celle d’Ali Baba, du pêcheur et du démon, de Younan et de Douban, et beaucoup d’autres encore. Jacques Cassabois nous narre une histoire aujourd’hui devenue culte, et sa plume poétique s’occupe de faire le reste.
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