En cet été 1942, Sonia profite avec passion des joies de la campagne. Mais il n’est pas facile d’avoir douze ans quand on est rousse, indisciplinée, et que c’est la guerre…
Ce roman évoque l’enfance de Sonia Rykiel, femme fantasque et libre qui inventa la « démode ». Il est suivi d’une biographie et d’un abécédaire illustré, pour raconter en images plus de quarante ans de création. Les petites histoires de la mode : une collection pour découvrir autrement les grands couturiers. |
Je remercie Léa ainsi que les éditions Les petites moustaches pour cette lecture et pour leur confiance. Lorsque l’on m’a proposé de lire ce premier titre, je n’ai pas hésité très longtemps. Le genre historique est un genre que je lis trop peu à mon goût, alors que je l’apprécie particulièrement. Je n’avais encore jamais eu la chance de découvrir les ouvrages de cette maison d’édition, et j’en suis même assez chagrinée, car Sonia Rykiel a été une excellente lecture.
L’histoire prend place en France, en pleine ascension nazie. Les rafles emportent de plus en plus de juifs, de nombreuses familles se retrouvent déchirées par la guerre. Loin de ces préoccupations, il y a Sonia. Aussi fière et indomptable que sa chevelure, elle mène une vie relativement paisible auprès de sa famille. Plus une enfant, mais pas tout à fait une adolescente, Sonia passe des journées insouciantes à raconter des histoires merveilleuses à ses sœurs, quand elle ne se dispute pas avec sa mère. Ce roman nous offre une tranche de sa vie sur fond de seconde guerre mondiale.
La ligne éditoriale de Les petites moustaches met l’accent sur le genre historique tout en restant accessible pour les enfants. Les romans ne sont pas abrutissants ou exagérément édulcorés pour convenir aux jeunes, bien au contraire.
D’une main de maître, les auteurs partagent avec nous une séquence de la vie de Sonia Rykiel, la célèbre styliste aujourd’hui décédée. On fait la connaissance d’une Sonia un peu sauvage, indocile et qui a tendance à rapidement monter dans les tours. Je dois avouer que j’ai beaucoup aimé sa compagnie. Loin de m’agacer, Sonia est une personne plus sensible que l’on pourrait le croire. Sa crinière rousse cache un cœur tendre et incertain. Découvrir cette grande styliste à l’époque où elle n’était encore qu’une petite fille avait quelque chose d’assez émouvant.
C’est à ses côtés et à travers ses yeux que l’on lève le voile sur un décor particulier : l’Allemagne gagne du terrain et commence à avoir la mainmise sur le nord de la France. Les juifs français comme Sonia sont sur la corde raide et commencent à être déportés. Pourtant, cette partie de l’histoire est tout juste effleurée, un peu comme si Sonia s’évertuait à laisser tout cela en arrière-plan. On sent bien les horreurs qui sourdent et qui font mal, mais elles sont contrebalancées par la candeur et le caractère impétueux de notre petite héroïne.
Bien qu’en partie biographique, Sonia Rykiel donne la part belle à notre imagination. On se plaît à l’imaginer pérégriner dans les bois, jouer avec ses sœurs ou encore piquer une colère contre sa mère. On la voit aussi faire grand cas de ses vieux vêtements. Le plus drôle, c’est de constater que sa passion pour le stylisme n’est pas née tout de suite. La graine était là, mais ne demandait qu’à s’ouvrir.
Je ne peux pas terminer cette chronique sans parler de ce que renferment les dernières pages. Les auteurs les ont agrémentées de mannequins croquées dans des vêtements créés par Sonia, quelques années plus tard. C’est de cette manière que le lecteur découvre combien cette femme d’exception a révolutionné la mode de l’époque, en poussant les femmes à s’assumer, d’une certaine façon (pourquoi le pantalon devrait-il être l’apanage des hommes ?). C’est à travers ces œuvres que son tempérament ressort : Sonia Rykiel ne fait rien comme tout le monde, elle bouscule les codes et poussent les femmes à voir plus loin. Très ingénieux de la part des auteurs que de nous présenter la petite fleur à peine éclose, pour ensuite nous mettre face à la rose épanouie. On en vient à une seule conclusion : cette femme était remarquable.
En résumé, Sonia Rykiel est une tranche de vie, un interlude charmant, qui mêle l’émotion à l’ombre fugace, mais néanmoins terrible, de la Seconde Guerre mondiale. Le récit, bien que court, est doté d’une très grande force narrative qui nous immerge totalement dans la vie de Sonia. Ce ne sont que 144 pages, mais 144 pages durant lesquelles j’ai eu l’impression de vraiment apprendre à connaître cette femme exceptionnelle, qui n’était encore qu’une petite fille insoumise refusant d’entrer dans la norme. J’ai également beaucoup apprécié les dessins qui agrémentent le texte, ainsi que les tenues exposées en fin d’ouvrage qui sont comme la cerise sur le gâteau.
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