Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c'est l'été, et il n'a rien d'autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant et plein d'ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il, aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s'est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s'aperçoit, maintenant, qu'il ne peut plus vivre loin d'elle. Mais est-ce qu'elle veut encore de lui ?
Songe à la douceur, c'est l'histoire de ces deux histoires d'amour absolu et déphasé - l'un adolescent, l'autre jeune adulte - et de ce que dix ans, à ce moment-là d'une vie, peuvent changer. Une double |
Je n'ai pas aimé : -
Tatiana a 14 ans lorsqu’elle rencontre Eugène, de trois ans son aîné. Lui est renfermé, désabusé et pessimiste ; elle, elle a l’âme romanesque, elle rêve d’un prince charmant aussi énigmatique que Darcy… Malgré des caractères diamétralement opposés, ces deux là, contraints de passer quelques après-midi en tête à tête, finissent par s’apprécier. Mais le destin s’en mêle et nous les retrouvons dix ans plus tard. Chacun a fait sa vie de son côté. Que s’est-il passé en l’espace d’une décennie ? Actes manqués, secrets, drames et confidences, nos héros se télescopent et se retrouvent.
Il faut d’abord noter que l’histoire nous est relatée en vers libres, avec un point de vue omniscient où le narrateur fait office de conscience et/ou de conteur attitré. Passé la surprise et la bizarrerie, l’histoire m’a totalement transportée. Ce choix est plutôt fantaisiste, il ne plaira peut-être pas à tout le monde, et même s’il installe une certaine distance avec les personnages, il nous met aussi dans la confidence. J’étais comme une petite souris qui vivait les scènes au travers de héros bougrement attachants, qui ne cessaient d’évoluer au fil des pages.
La plume de Clémentine Beauvais est enchanteresse et laisse dans son sillage une impression étrange, entre maitrise et abandon total. Les vers, au lieu de ralentir le récit, lui donnent un rythme. Il y a un gros travail, Clémentine Beauvais a dû littéralement en suer ; mais le résultat est là et il est à la hauteur de toutes mes attentes de lectrice.
C’est une musique sans aucune fausse note qui nous poursuit de son intensité jusqu’à la toute dernière page. Je pense que cette manière d’écrire plaira à n’importe qui, du moment que la personne se sent suffisamment à l’aise pour se laisser transporter. Il suffit de prendre la main de Clémentine Beauvais et de la suivre les yeux fermés. C’est aussi simple que ça.
Les personnages sont réalistes, ils nous poussent à nous interroger et en même temps, on repère très vite les fêlures et les doutes sous leur carapace respective. Je me suis sentie très en phase avec Tatiana qui m’a fait penser à moi au même âge. Cette manière d’emmagasiner tous les détails pour ensuite les contempler rêveusement au moment du coucher, cette sincérité dans les actes, cette fraicheur toute innocente… Tatiana est une héroïne émouvante.
Eugène est plus en nuances, avec une attitude un peu rebutante au début. Il se détache de tout, jette les problèmes mineurs aux orties. À 17 ans, il a tendance à regarder tout et tout le monde de haut d’un air peu amène, condescendant, voire méprisant. Cela dit, même avec un tel comportement… il a touché la corde sensible chez moi. C’est un personnage qui m’a paru très seul. Alors que Tatiana vit dans ses rêves, Eugène, lui, s’empêche de rêver pour ne pas tomber de trop haut en cas de déception. Ils sont comme le jour et la nuit, ils vont s’attirer comme des aimants.
Et puis il y a Eugène et Tatiana adultes. C’est l’occasion de mesurer le chemin qu’ils ont parcouru, et on ne peut s’empêcher d’espérer. D’espérer que ce béguin d’il y a dix ans finisse par se concrétiser en véritable histoire d’amour. Au début, je m’attendais à une romance comme on en lit beaucoup, mais en fait, ce n’était absolument pas le cas ! Leur histoire m’a ébranlée, je ne pensais pas y trouver autant d’émotions, d’authenticité et de candeur. C’est une nouvelle histoire d’amour, une rédemption, une deuxième chance que leur offre le destin. Sauront-ils la saisir à temps ?
En résumé, Songe à la douceur fait partie de ces livres qui sentent bon l’été et les fleurs. C’est une lecture qui nous rappelle nos premiers émois, et qui nous donne envie de serrer les gens dans nos bras, de ne pas les laisser partir et de les aimer pour toujours. Clémentine Beauvais joue avec nos sentiments, elle donne pour mieux reprendre et nous ôte tout espoir pour nous en redonner la ligne suivante. Des montagnes russes placées sous le signe de la musicalité et de la poésie, sans parler de l’amour tangible avec un grand A. J’ai vécu cette histoire comme si j’y étais, et je sens que les péripéties de Tatiana et Eugène se sont encrées en moi pour ne laisser que le plus beau.
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