Le Père est là, dehors, quelque part.
La cage est désormais aussi vaste que le monde, mais Dante est toujours son prisonnier. Sous un soleil de plomb, un homme affolé court sur une route, non loin de Rome. Son jeune fils Luca a disparu lors d’un pique-nique en famille. Quand la mère est découverte, décapitée dans une clairière, la police s’oriente vers le crime passionnel. Mais le garçon demeure introuvable. Dépêchée sur place, le commissaire Colomba Caselli ne tarde pas à comprendre que l’hypothèse des enquêteurs ne tient pas. Elle fait alors appel à Dante Torre, expert en disparition de personnes. Kidnappé enfant, il a grandi |
|
Il y a quelques semaines, j’ai lu Les Fauves de Ingrid Desjours dans la même collection, et je m’étais fait la réflexion qu’il allait être difficile de faire mieux, car j’avais a-do-ré. Mais ici… si l’histoire est totalement différente, le plaisir reste le même. Dans ce pavé de plus de 600 pages se cachent un talent indéniable et un sens du suspens exacerbé.
Il y a plusieurs décennies, un petit garçon a été enlevé puis enfermé dans un silo pendant 11 ans. Son ravisseur ? Un homme qui se faisait appeler le Père et dont le visage lui a toujours été caché. Mais un jour, ce même garçon parvient à s’échapper. La police est persuadée que l’enquête ne va pas plus loin, puisque le kidnappeur présumé s’est suicidé.
Bien des années plus tard, un homme signale la disparition de son fils, Luca, et de son épouse. Peu de temps après, cette dernière est retrouvée décapitée, mais l’enfant, lui, reste introuvable. C’est Colomba, une commissaire aussi franche qu’autoritaire, qui se voit confier très officieusement l’enquête de cette affaire, alors qu’elle n’est plus en service. Et pour l’aider, son supérieur lui conseille de s’entourer de Dante Torre, l’homme qui, enfant, s’est retrouvé enfermé dans le silo et qui a pu échapper au Père.
Persuadé que celui qui s’est donné la mort n’était pas son ravisseur, Dante s’aperçoit bien vite que l’enlèvement de Luca n’est pas l’oeuvre du hasard. Et que quelque part, le Père rôde toujours… Colomba et Dante vont donc mener leurs investigations très, très loin, poussant un peu plus les limites entre réalité et suppositions.
Contrairement à ce que je fais habituellement, je vais commencer par parler des personnages, car ils m’ont beaucoup marquée. Colomba est un agent de police mise aux arrêts suite à un accident qu’elle nomme très justement “Le Désastre”. Elle a un tempérament bien à elle et sait se montrer opiniâtre quand la situation l’exige. Ses valeurs ne la quittent jamais, et sa prestance fait d’elle une femme que la gent masculine respecte.
Lorsqu’elle fait la connaissance de Dante, on est tenté de se dire que ça va être une vraie catastrophe ! Ce dernier se tient toujours à l’écart de tout et vit en reclus. Maigre comme une tige, accro aux anxiolytiques et sujet aux TOC, il revient de loin. Son enfance passée enfermé dans un silo a laissé des balafres profondes en lui.
Colomba et Dante, ce sont deux âmes perdues et meurtries. Et s’ils forment un duo des plus improbables, ça va marcher. Dans cette enquête, ces deux estropiés de la vie vont se démener comme des diables pour retrouver Luca et surtout mettre la main sur le Père. Leurs premiers rapports sont des plus éprouvants. Mais progressivement, il y a une vraie amitié qui se tisse entre eux, une entente tacite et un respect mutuel que j’ai adoré. Et puis merci à Sandrone Dazieri de ne pas avoir bifurqué vers une romance. Parce que la beauté de la relation entre Colomba et Dante, c’est l’absence d’ambiguïté.
La seule petite remarque négative que je pourrais faire concernant les personnages, c’est que le fait qu’ils soient nombreux conjugué aux noms à consonances typiquement italiennes… c’était un peu déstabilisant. J’avais parfois des difficultés à me remémorer qui était qui.
La plume de l’auteur est saisissante. Incisive, elle va droit au but et les indices sont soigneusement posés jusqu’aux révélations finales. Sandrone Dazieri est un génie de l’attente anxieuse. Il a ce don particulièrement frustrant de terminer un chapitre en nous lâchant une bombe, et fait durer le plaisir jusqu’au bout (sinon ce n’est pas drôle !). Et honnêtement, si d’habitude j’ai du flair, là je vous avoue que je n’ai rien vu venir !
J’ai mis la main sur une petite pépite. Sur un thriller qui m’a laissée pantelante. Tu tueras le Père est un roman qui ne nous laisse jamais le loisir de reprendre nos esprits. Plus on s’enfonce dans cette histoire et plus le suspens devient difficilement supportable. La tension monte crescendo à mesure que les détails et les perspectives se multiplient. La trame est complexifiée mais reste toujours cohérente et compréhensible. Et le plus drôle c’est que quand on s’imagine que tout est terminé, il y en a encore. Et encore. Et encore. Vers la fin, les révélations s’enchaînent avec une précision de chirurgien. On s’aperçoit que notre curiosité va bien au-delà de l’identité du Père.
Je craignais que, comme de nombreux thrillers de ce genre, le fait de démystifier l’histoire la rendrait moins attrayante par la suite. Eh bien je me suis lourdement trompée, car Sandrone Dazieri n’en avait pas tout à fait fini avec ses lecteurs. Quand mes yeux sont tombés sur la toute dernière phrase, j’ai grogné de frustration. C’était une fin parfaite, belle, lourde de sens et riche en promesses. Le fait que l’auteur ait choisi de s’arrêter là était tout à fait judicieux et très, très malin.
En résumé, Sandrone Dazieri signe un coup de maître. Tu tueras le père est un thriller qui remue les tripes. J’ai émergé de cette histoire avec la sensation que je sortais du tambour d’une machine à laver. Dans une ambiance propice aux questionnements les plus enfouis, l’auteur tire les ficelles avec un talent incontestable. Contrairement à beaucoup de lecteurs, je n’aimerais pas qu’il y ait une suite. Ce livre se termine de la façon la plus ingénieuse qui soit. |
Lire une passion