Parce qu’elle est sans aucune nouvelle d’Eléa, sa fille de 17 ans embrigadée par Daesh et partie en Syrie il y a maintenant six mois, Laurence commence à tenir un journal. Écrire l’empêche de céder entièrement à la douleur qui la ronge chaque jour davantage, à la colère de n’avoir rien vu venir, et de n’avoir pas su comprendre que tout allait basculer. De trop nombreuses questions sans réponse la hantent : comment Eléa va-t-elle ? Où vit-elle ? Et avec qui ? Comment Eléa, qui avait la tête sur les épaules et des envies par centaines, a-t-elle pu manquer de discernement au point de renoncer à tout… et surtout à sa liberté ? Laurence interpelle sa fille et lui raconte, jour après jour, sa tristesse et sa participation à des groupes de déradicalisation, sa lutte pour éveiller
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les consciences, tenter d’empêcher le départ d’autres adolescents… Pour tenter aussi de contrer l’absence de sa fille, ne pas la perdre tout à fait…
À ses mots répondent ceux du journal intime d’Eléa, écrits un an auparavant. On découvre peu à peu comment pour cette jeune fille la frontière qui sépare influence et conviction a été franchie. Comment aux rêves d’avenir, aux premiers émois amoureux, aux amitiés sereines, se sont substitués la manipulation, la soumission, l’extrémisme…
À ses mots répondent ceux du journal intime d’Eléa, écrits un an auparavant. On découvre peu à peu comment pour cette jeune fille la frontière qui sépare influence et conviction a été franchie. Comment aux rêves d’avenir, aux premiers émois amoureux, aux amitiés sereines, se sont substitués la manipulation, la soumission, l’extrémisme…
La menace terroriste et la montée des djihadistes n’ont jamais autant défrayé la chronique. J’estime que ce sont des sujets dont nous devons être conscients. J’ai eu envie de me plonger dans ce roman avec la certitude que j’apprendrais beaucoup de choses et que j’affinerais mon sens critique. Avec je vous sauverai tous, j’ai appris plus que je ne l’avais espéré, mais j’ai aussi été bouleversée par le récit extraordinaire d’une famille brisée.
Je vous sauverai tous est une histoire à trois voix. Celle d’un père, d’une mère et de leur fille. Il y a d’abord Éléa, une adolescente de 16 ans qui a tout pour être heureuse. Sensible à l’esprit libre, Élea mène une vie ordinaire, elle a une meilleure amie, quelques flirts sans grandes conséquences et des projets de voyage plein la tête. Un jour, par le biais d’internet, elle fait une rencontre qui va tout changer. Un homme derrière un écran lui fait voir des atrocités, l’enclave dans une relation malsaine tout en alimentant sa colère et son désarroi. Peu à peu, Éléa va se détacher de sa vie d’adolescente ordinaire. Elle va prendre le jilbab et se faire appeler Oum Soumeyya. Elle va quitter son foyer et partir en Syrie.
De l’autre côté, nous suivons sa mère, Laurence, effondrée par le départ de sa fille, et Samir, son père, animé par une colère et des cauchemars récurrents. Il souhaite faire payer à ceux qui ont enlevé sa fille. Des parents démunis, qui ne comprennent pas comment leur unique enfant a pu leur tourner le dos de cette manière. Des parents qui doivent subir le regard et le jugement des autres. Des parents qui ne désirent qu’une chose : qu’on leur rende leur enfant. Je vous sauverai tous, ce sont des voix qui s’entrechoquent et retracent le parcours d’Éléa. C’est un roman qui nous permet de comprendre le fléau que représente l’embrigadement des jeunes par Daesh.
Je savais que lire ce livre serait une souffrance. J’avais entendu parler de « la radicalisation express » dans Les Fauves, de Ingrid Desjours, et c’est quelque chose qui m’avait choqué au plus haut point. On en parle encore trop peu dans les médias, mais les rabatteurs se servent maintenant des réseaux sociaux pour alpaguer et recruter des mineurs. Un lavage de cerveau – entre théorie du complot et signes du Diable – qui s’opère et qui les rend aussi dociles que des marionnettes.
Je vous sauverai tous est une histoire fictive qui repose sur des bases très concrètes. Plus qu’une intrigue sortie de l’imagination d’Émilie Frèche, il y a un véritable désir de prévention à travers chaque mot imprimé. On s’imagine toujours que ça n’arrive que chez les autres, que l’on connaît bien ses proches, mais la vérité, c’est que ce livre dénonce le poison qui s’insinue progressivement dans notre société.
Mais ce que nous espérons aujourd'hui, c'est une prise de conscience de la part des parents pour qu'ils ne s'imaginent plus, sous prétexte qu'ils ont tout bien fait comme il fallait, être à l'abri. Personne ne l'est. Juifs, catholiques, athées, musulmans, riches, pauvres, des cités ou des quartiers huppés, de parents divorcés ou au contraire toujours ensemble, nos enfants sont des cibles potentielles. Tous, sans exception. Et c'est cette disparité qui nous sidère, car il n'y a pas de profil type. Aussi, à la longue liste des choses à craindre pour nos enfants, comme l'alcool, la drogue, l'anorexie, l'abus sexuel, le jeu, les mauvaises fréquentations ou que sais-je encore, il nous faut désormais ajouter l'islamisme radical.
Chaque page a été pour moi une nouvelle souffrance. Chaque mot m’a fait mal au coeur. Je me suis approprié cette histoire, et je sais qu’au fond, chacun de ces personnages existe réellement, ce qui renforce le fait que l’on se sente concerné.
En France, il existe une Laurence pleine de culpabilité, qui a soif de comprendre, de trouver des réponses. À quel moment Éléa a-t-elle pu changer de cette manière ? Pourquoi n’a-t-elle pas vu les signes avant-coureurs ? Une mère n’est-elle pas censée sentir ce genre de choses ? Où est passée l'enfant qu'elle a aimée et choyée ? Pour elle, sa fille n’est pas partie de son plein gré, Daesh la lui a enlevée en entrant chez elle de la manière la plus insidieuse qui soit. Pour Samir, le père, les choses sont différentes. Il a vécu l’enfer en Algérie dans les années 90 et le départ de sa fille réveille des blessures jamais cicatrisées. Revanchard, il cherche un coupable et se laisse lentement dévorer par la colère. Pour des parents qui voient leur enfant mettre les voiles, c’est un déchirement dont on ne peut jamais se remettre. C’est un deuil qui ne peut pas se faire, où ils oscillent entre espoir et chagrin.
L’évolution d’Éléa, qui finit par se faire appeler Oum Soumeyya, est terrifiante. On assiste à la manipulation qui se joue, étape par étape. Daesh cherche les points sensibles, les failles, et les exploite sans ménagement. C’est un véritable réseau qui la noie sous les images, les vidéos, les horreurs de la guerre et lui raconte ce qu’ils ont envie qu’elle croie. Elle en perd son identité et ne sait plus penser par elle-même. Assister à cette lente transformation et ne rien pouvoir faire, c’est, je crois, la pire chose possible.
En France, il existe une Laurence pleine de culpabilité, qui a soif de comprendre, de trouver des réponses. À quel moment Éléa a-t-elle pu changer de cette manière ? Pourquoi n’a-t-elle pas vu les signes avant-coureurs ? Une mère n’est-elle pas censée sentir ce genre de choses ? Où est passée l'enfant qu'elle a aimée et choyée ? Pour elle, sa fille n’est pas partie de son plein gré, Daesh la lui a enlevée en entrant chez elle de la manière la plus insidieuse qui soit. Pour Samir, le père, les choses sont différentes. Il a vécu l’enfer en Algérie dans les années 90 et le départ de sa fille réveille des blessures jamais cicatrisées. Revanchard, il cherche un coupable et se laisse lentement dévorer par la colère. Pour des parents qui voient leur enfant mettre les voiles, c’est un déchirement dont on ne peut jamais se remettre. C’est un deuil qui ne peut pas se faire, où ils oscillent entre espoir et chagrin.
L’évolution d’Éléa, qui finit par se faire appeler Oum Soumeyya, est terrifiante. On assiste à la manipulation qui se joue, étape par étape. Daesh cherche les points sensibles, les failles, et les exploite sans ménagement. C’est un véritable réseau qui la noie sous les images, les vidéos, les horreurs de la guerre et lui raconte ce qu’ils ont envie qu’elle croie. Elle en perd son identité et ne sait plus penser par elle-même. Assister à cette lente transformation et ne rien pouvoir faire, c’est, je crois, la pire chose possible.
En résumé, Émilie Frèche nous livre sans détour une réalité dans notre société, un fléau qui touche de plus en plus de jeunes. Je vous sauverai tous est un roman sur l’embrigadement et la machination de Daesh. À travers trois voix, l’auteur nous parle d’un combat que nous devons tous mener, afin de sensibiliser les enfants à ce danger que l’on peut trouver en un seul clic. Ce roman fait réfléchir, et en même temps il fait mal. Très très mal.
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REMERCIEMENTS
Je remercie Myriam ainsi que les éditions Hachette pour cette lecture.