Vous pensez être au paradis ?
Un gigantesque atoll, des plages de sable fin, une eau turquoise... Un mur infranchissable. Il vous faudra d'abord vivre en enfer : Article 1 : Tout contact physique, toute marque d'amour sont proscrits. Article 2 : Il est interdit de chanter, d'écouter ou de faire de la musique. Article 3 : Quiconque se livrera à ces activités illicites sera mis à mort. Vous n'êtes personne. Vous apprendrez à obéir. |
|
Dès que j’ai reçu ce livre, j’ai eu envie de me plonger dedans. Malheureusement, il m’a fallu user de patience avant de le commencer, sachant que j’avais des services presse urgents avant. Je me suis refusée à lire les chroniques le concernant, ayant déjà entendu que l’une des parties était assez spéciale. Je crevais d’envie de découvrir ce qu’il y avait de si étrange, et pour le coup j’ai été servie, et dans le bon sens du terme !
La Symphonie des Abysses est divisé en deux histoires (ou deux partitions). Tout d’abord, nous suivons les aventures d’Abrielle, une jeune fille qui vit avec sa mère dans un tout petit village situé dans un endroit très particulier : une plage de sable fin d’un côté, un mur d’une trentaine de mètres de haut de l’autre. La vie au village est assez monotone, sans rien pour bousculer le quotidien des habitants, et un règlement très particulier régit l’ensemble de la communauté. Chez eux, la musique est considérée comme une distraction prohibée.
Pourtant, même si elle n’a jamais entendu personne chanter, Abrielle est omnibulée par cela. Elle est en mesure de percevoir le chant de la nature, le chant qui s’élève des Abysses. On appelle les gens comme elle des réminiscences, et pour ne pas avoir de problème, mieux vaut ne pas le crier à tort et à travers.
Lorsqu’elle avait quatre ans, Abrielle a eu le malheur de chanter, et depuis les gens ne lui font plus confiance. Elle est surveillée de près par Braden, un jeune homme avec qui elle a eu sa première histoire d’amour. Aujourd’hui, la bienveillance de Braden a laissé place à une suspicion presque maladive.
J’ai trouvé cette partie de l’histoire vraiment belle. Abrielle est un personnage qui gagne à être connu. Sa soif de liberté, je la ressentais comme si elle était mienne. Si sa force de caractère et son mental d’acier font d’elle quelqu’un de vraiment très attachant, j’ai cependant senti une vague de rébellion gronder en moi. Le comportement de Braden vis-à-vis d’elle, sa violence à peine contenue, sa folie même… Sans parler du comportement de sa mère qui ferme les yeux sur des choses honteuses… C’est assez dur à encaisser. On se sent d’autant plus proche d’Abrielle qui vit un véritable calvaire. Son histoire est triste, même si la jeune fille ne se laisse pas démonter.
Les habitants s’appliquent à lutter contre ce qui fait d’eux des êtres humains : ils tuent leur esprit créatif, l’étouffe dans l’oeuf avant même qu’il se manifeste. C’est révoltant et j’en étais toute retournée.
Le personnage de Braden est particulièrement intéressant. J’avais envie de m’appuyer sur lui, et pendant longtemps je me suis dit qu’il changerait d’avis, qu’il fallait lui laisser une chance. Malheureusement plus on avançait et plus mes espoirs s’étiolaient. Braden est fou. Un vrai fou pathologique qui aurait bien besoin de quelques antipsychotiques. Il a complètement perdu l’esprit, tiraillé entre sa haine et son désir. Les personnages écorchés comme ça, je les adore, vraiment ! Sûrement celui qui m’a le plus touché dans ce roman.
Dans la deuxième partition, nous faisons la connaissance de Sa et Ca. À partir de maintenant, si vous ne voulez pas être spoilés, je vous déconseille de poursuivre votre lecture.
Sa et Ca vivent également sur l’Atoll mais dans un autre village (ils sont persuadés d’être les seuls, comme dans la bourgade d’Abrielle). Leurs règles à eux sont très différentes de celles du village de la jeune fille. Les enfants naissent sans chromosome X ou Y et sont appelés Neutres : leur peau est translucide, les poils/lèvres/organes génitaux/nez sont inexistants. Ce n’est qu’à leur majorité qu’ils doivent choisir quel sexe ils désirent avoir et que leur morphologie se rapproche de la nôtre.
Les lois de leur village stipulent que les rapprochements d’ordre intime sont interdits, avoir des sentiments autre que de la camaraderie vis-à-vis des autres est proscrit. Les bébés sont conçus dans des éprouvettes et l’amour (qu’il soit maternel ou charnel) n’existe pas (ou du moins il est condamné).
J’avoue que je partais sans vraiment savoir ce qui m’attendait au début. Quitter Abrielle pour tomber dans un village aussi bizarre, c’est assez surprenant aux premiers abords. Je me prenais à lire plusieurs fois les mêmes mots, notamment les “iels”. Lorsque j’ai compris à quoi ils faisaient référence, j’ai trouvé ça original, car l’auteur a poussé la différence jusqu’au bout. L’histoire en elle-même touche un sujet assez sensible qui pourrait heurter certaines personnes. De mon côté, j’ai vraiment aimé, car ça sortait de l’ordinaire. J’ai trouvé Ca et Sa très attachants dans leur naïveté, leur sensibilité. Ils n’étaient pas juste des Neutres, ils avaient chacun une personnalité bien affirmée.
Les voir s’aimer, souffrir, pleurer, grandir… Ça m’a vraiment touché. Je me suis prise d’affection pour ces deux êtres qui ne demandent qu’à s’aimer. Leur histoire est un hymne à l’amour, quelles que soient leurs différences. L’auteur saupoudre sa trame d’un message contre l’homophobie et un appel à la tolérance.
Ce livre regroupe de belles valeurs, même si l’histoire peut paraître simplement divertissante aux premiers abords. J’ai été embarquée du début à la fin et j’ai vibré avec les personnages créés par Carina Rozenfeld. Maintenant je vous avoue que je suis un peu craintive de lire la suite. J’ai peur qu’elle soit en dessous du tome 1.
Un style doux, poétique avec de très belles tournures. L’auteur maîtrise son univers avec une aisance toute particulière. Il y a beaucoup de descriptions, peut-être parfois un peu trop, cependant. En dehors de ça, j’ai adhéré !