Ils sont trois à s'évader de leur hôpital psychiatrique. Trois pieds nickelés soudés au chalumeau de leurs embrouilles paranoïaques, mais sacrément acharnés à vivre. Pourtant, entre Lisa, la superbe maniaco-délurée, Sandro, le jeune schizophrène halluciné, et Yves le papy rocker altermondialiste, il n'y a pas grand chose en commun à la base.
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Les hôpitaux psychiatriques sont des lieux qui m’intéressent tout particulièrement. Pour y avoir travaillé à plusieurs reprises, je peux le dire, ils sont souvent victimes d’une image erronée qui les dessert. Dans les croyances populaires –, et ce depuis toujours –, on s’imagine ces endroits comme des lieux à l’abandon, où les patients ne sont pas plus astucieux que des lobotomisés engoncés dans leurs camisoles de force et maltraités par les électrochocs. C’est bien dommage ! Heureusement, il y a des auteurs comme Bruno Lonchampt qui, sous des dehors humoristiques et poilants, parviennent à lever le voile sur un monde encore trop sujet aux préjugés.
Dans cette histoire nous suivons les aventures de trois personnes internées dans un service psychiatrique. Enfermés, ils vivent retranchés du monde avec la télé pour seule compagnie et leurs voisins d'infortune. Yves est l’un d’entre eux et est persuadé d’être la victime d’un complot intermondialiste. Un jour, persuadé de détenir la preuve des agissements douteux de son psychiatre, Yves met en place un plan pour s’évader. Il ne sera pas tout seul dans cette entreprise puisque Lisa et Sandro, deux autres internés, l’accompagneront dans ses aventures. Et des aventures, ils vont en vivre ! Enquêtes, soupçons et crises délirantes… le voyage promet d’être mouvementé !
J’ai entamé ce livre l’esprit bien ouvert et j’ai eu raison. Bye bye les vieilles idées reçues moisies, Bruno Lonchampt nous entraîne dans une histoire rocambolesque à mourir de rire ! L’histoire n’aurait certainement pas été aussi entraînante sans sa plume virtuose et terriblement bien tournée. L’auteur maîtrise l’art des mots, il les tournicote, les entortille et en fait quelque chose de très personnel, plein d’humour et de dérision.
Cette aisance se retrouve également dans la manière d’aborder le milieu psychiatrique. Les professionnels ont tendance à regarder les personnes souffrant de troubles mentaux avec un regard acéré, presque chirurgical. Les autres préfèrent s’en moquer ou hausser simplement les épaules. Ici, il n’y a ni railleries, ni clichés, ni indifférence ; on observe la scène avec d’autres yeux : ceux du patient. Le lecteur passe de l’autre côté de la barrière, et ce qu’il y trouve est totalement désopilant. Une véritable bouffée d’air frais ! En plus, le récit est très juste et sans la moindre fausse note.
Les personnages sont marquants ! Entre les paranoïaques, les bipolaires et autres grands psychotiques, on ne s'ennuie à aucun moment. Leurs idées sont chaque fois farfelues, leur tempérament à cheval entre candeur et ruses bien ficelées. On a affaire à des adultes, mais ils gardent leur âme et leur spontanéité d’enfants. Ça les rend encore plus attachants.
Ils ont parfois des idées délirantes, qui n'ont de sens que pour eux, mais ensemble ils forment une véritable petite famille. Chacun y va de son petit grain de folie (sans mauvais jeu de mots) : Yves et son aplomb, Sandro et sa phobie des chauves, Lisa et ses strip-teases intempestifs... Autant dire que c’est la fête du slip !
J’ai particulièrement apprécié Yves, si éloquent qu'on a l'impression que c'est lui qui a toute sa tête et les autres qui sont fous. Les médecins lui répètent qu’il souffre de délires paranoïaques, mais pour lui, c'est juste de la clairvoyance. Il décèle ce que d'autres ne voient pas. Enfin, c’est ce qu’il dit ! Ça me rappelle une phrase du talentueux Alexandre Astier dans la série Kaamelott, qui raccorde particulièrement au sujet dont il est question : « […] les fous ils sont fous par rapport à une norme. Mais pour eux-mêmes, c'est les autres qui sont fous. »
En résumé, Les évadés du bocal est une totale réussite. Une course contre la montre qui laisse hors d’haleine, une enquête délurée et un final siphonné ! Le lecteur oscille entre l'amusement et la gravité. Derrière l'humour et la dérision se cache une vérité plus sérieuse, un combat contre les autres, mais aussi contre soi-même. À demi-mot, l'auteur nous livre sa vérité, au travers de personnages qui ne sont pris au sérieux par personne, sous prétexte qu'ils sont psychotiques. C'est un roman qui cache une profondeur touchante sous la généreuse couche de facéties.
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MA NOTE FINALE :
INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES
EN LECTURE COMMUNE AVEC ALIYBOOKS ET L'ODYSSÉE LIVRESQUE
REMERCIEMENTS
Je remercie Morgane et les éditions Sarbacane pour cette lecture délirante !