Novembre 1951, Union soviétique. Il fait un froid de loup. Rudi a 13 ans. Il court dans la forêt pour échapper à son père, ce père parti à la guerre et qui n’en est jamais tout à fait revenu, ce père qui ne le connaît pas. Le père de Rudi aurait voulu un fils à son image : un gars qui aime la chasse, qui fera un métier d’homme. Pour Rudi, la vie, c’est la musique et la danse. Sa force, sa puissance, il les met dans chacun de ses pas, de ses pliés, de ses sauts. Bientôt, envers et contre tout, Rudi écrira lui-même son avenir. Bientôt, il vivra son rêve, celui qui va l’emmener à Moscou, Leningrad et à travers le monde, celui où il devient un danseur inoubliable : Rudolf Noureev…
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N’étant pas très familière avec le milieu de la danse classique, je n’avais encore jamais entendu parler de Rudolf Noureev, cet homme qui, dans un contexte difficile, est parvenu à se distinguer par sa rigueur et son talent. Je ne vais pas vous le cacher, Le choix de Rudi fait partie de ces livres qui vous marquent à vie. Un livre rare qui renferme une passion sans borne et véhicule un grand message d’espoir.
Rudi est un jeune garçon de condition paysanne. L’histoire prend place dans un contexte bien particulier, puisqu’il s’agit de la Russie dans les années 50. Le communisme impose aux Soviétiques des conditions de vie épouvantables où la liberté n’est plus qu’un vague souvenir. La propagande fait rage, la liberté d’expression n’existe plus. Il faut se faire tout petit pour échapper à l’Armée Rouge. Dans ce roman, Françoise Dargent retrace le parcours du célèbre danseur étoile Rudolf Noureev, aujourd’hui décédé.
Pour un garçon comme Rudi, les choses s’annoncent difficiles. Issu d’une famille très modeste, il vit avec sa mère et ses soeurs. Son père a été absent une partie de sa vie, et lors de son retour du front, ce dernier ne semble pas satisfait de ce que son fils est devenu. Pour lui, un garçon doit être robuste et aimer la chasse, c’est ainsi. Mais Rudi n’aspire qu’à danser. C’est toute sa vie, son leitmotiv, sa passion. Il parfait son art dans une cabane branlante ou en secret, auprès de son professeur, Anna Oudeltsova. Sous le régime soviétique, un garçon qui danse est contraire aux bonnes moeurs et notre héros risque sa vie.
J’ai terminé cette lecture il y a plusieurs jours. Mais même après cela, j’ai encore du mal à me remettre de toutes ces émotions. Françoise Dargent nous décrit avec une justesse remarquable le quotidien de ce jeune garçon, habité et hanté par la danse. Cette brimade qu’exerce le pouvoir sur son pays lui est insupportable, car Rudi est un esprit libre. Il veut pouvoir s’exprimer avec son corps comme bon lui semble, partager son art, vivre son art. Mais l’Union soviétique garde une emprise de fer sur les citoyens grâce à une manipulation de masse. Ce pays est froid, impersonnel, tout ce qui y circule est contrôlé par les autorités. L’auteur a su brosser un tableau dépouillé et lugubre des lieux, un endroit où il n’est pas possible de s’exprimer et de penser par soi-même. Il y a beaucoup de documentation derrière tout cela, pour faire de ce pan de l’histoire quelque chose de transcendant.
Quant à Rudi, il a un parcours de vie fascinant. C’est un garçon décidé avec un tempérament de feu. J’ai tremblé en le voyant défier le KGB. Et en plus, les choses ne commencent pas facilement pour lui : né dans un état rongé par la dictature, en conflit avec son père, son corps n’est, d’après les critères, pas façonné pour la danse classique… etc. Cependant, Rudi n’abandonne jamais, il croit en ses rêves et nous prouve qu’à coeur vaillant, rien n’est impossible. Son combat est une leçon de vie. Les personnages qui croisent sa route enrichissent son quotidien d’une manière ou d’une autre. À travers eux, on découvre un héros multifacettes. Alors oui, il est arrogant, mais tellement sûr de lui et de ses choix… Et ce choix qu’il va devoir faire, je l’ai admiré. C’est un protagoniste fort, plein de volonté, qui bouleversera les idées reçues pour faire avancer le monde. À sa manière.
C’est avec beaucoup de subtilité que Françoise Dargent nous dépeint cette vie hors du commun, ce combat personnel. La plume est légère et le style d’écriture très abordable. Rudolf Noureev est un personnage unique, une icône dans le monde de la danse classique du XXe siècle. Après avoir lu ce livre, je comprends mieux pourquoi. Cet homme a eu une existence qui mérite qu’on en parle aujourd’hui.
En résumé, Le choix de Rudi est une belle surprise. L’auteur nous dévoile habilement les pans de la vie d’un homme formidable, un homme qui partait avec zéro chance, mais qui est pourtant parvenu à réaliser son rêve. Tensions, sentiments et Histoire se mêlent pour nous immerger dans une URSS sans pitié. |